La Romanée-Conti, mythe parmi les mythes

Bien sûr, cela reste du vin. Mais la dégustation des cuvées du domaine de la Romanée Conti (DRC) constitue une expérience à part, une forme de Graal bachique. Cela n’a rien à voir avec du snobisme: les vins du domaine ont beau être devenus des produits financiers prisés des spéculateurs, ils représentent pour tout passionné la quintessence de ce que peut offrir le pinot noir. Des vecteurs d’émotion sans nul autre pareil qui traduisent le terroir exceptionnel de Vosne-Romanée.

voyage en Bourgogne

En 2015, j’ai eu la chance de faire une visite du domaine avec dégustation du millésime 2014 en cours d’élevage. Etait-ce la solennité de l’instant? Le niveau des vins m’a semblé absolument hors normes, un sentiment partagé par mes accompagnateurs du jour, tous experts en vinification. Tout y était: la structure, le fruit, les tannins très nobles, la finesse et la fraîcheur. Mon ami Christian Vessaz exprimait le sentiment général: « Jamais je n’avais dégusté des vins en cours d’élevage d’un tel niveau. Ils avaient à peine fini la fermentation malolactique et étaient déjà tout en harmonie. C’était vraiment impressionnant, un peu magique. »

En novembre dernier, j’ai vécu mon deuxième rendez-vous avec le DRC lors d’un dîner organisé à Soral par Stéphane Meier, membre de l’équipe de Suisse de dégustation. Au programme, de grands flacons dont deux cuvées du DRC: Grands-Échézeaux et Romanée-Saint-Vivant, tous deux dans le millésime 2013. Avec la confirmation de « l’effet terroir », avec deux vins aux profils très différents, comme déjà noté pour le millésime 2014.

D’abord un peu retenu, Grands-Échézeaux impressionne par sa densité, son allonge et sa texture très riche. Au niveau aromatique, on perçoit des fruits noirs, des arômes floraux et une note épicée très séduisante. Un monolithe qui a encore besoin de temps pour se livrer complètement.

Issue d’une parcelle voisine de la Romanée-Conti, la Romanée-Saint-Vivant s’exprime dans un tout autre registre, plus emblématique du pinot noir. Le nez est plus ouvert, sur des arômes de griotte et de rose séchée. La bouche est d’un grand raffinement, fuselée avec un fruit très pur. Un modèle de précision déjà très agréable à boire. Une leçon.

Cette grande diversité d’expression pour deux vins nés à quelques centaines de mètres de distance m’a rappelé une interview d’Aubert de Villaine, propriétaire de la DRC, dans le (très beau) magazine Vigneron de juillet-août 2015. Il insistait sur la spécificité des vins issus d’une seul cépage, le pinot noir en particulier: « Vous ne pouvez pas tricher, vous êtes face à une expression et votre rôle est de la traduire le plus honnêtement possible et dans sa vérité nue. C’est toute la complexité et la magie de nos vins de Bourgogne, les pinots noirs comme les chardonnays. »