Les ambassadeurs du vin neuchâtelois qui ont marqué l’année 2023

Le vignoble cantonal est une pépinière de talents, avec des anciens qui n’ont plus rien à prouver ainsi qu’une relève dynamique et extrêmement prometteuse. Notre sélection subjective des personnalités qui ont marqué l’année viticole, d’Areuse au Noirmont en passant par Auvernier et Hauterive.

Jeanine Schaer, la retraite d’une grande dame

Difficile d’imaginer plus belle sortie: le vendredi 7 juillet dernier, le jour même de son départ officiel à la retraite, Janine Schaer a remporté le concours de dégustation de La Gerle d’Or.

La cuvée victorieuse, Sur le Chemin 2022, a ainsi eu l’honneur d’être le chasselas officiel de la Fête des vendanges 2023. «Cela a vraiment été une expérience géniale, souligne la maître-caviste de la cave des Coteaux. Ça faisait longtemps que je n’avais pas fait trois jours à la fête.»

Les champagnes de vignerons, au bonheur des bulles

Dans l’ombre des grandes maisons, les récoltants-manipulants proposent des cuvées qui sortent des sentiers battus. L’éclairage d’un expert, Tzvetan Mihaylov.

Les producteurs de champagne, c’est comme le bonheur: il y a les petits et les grands. Depuis un quart de siècle, les petits ont la cote, avec leur propension à sortir des sentiers battus (par les grands) et à montrer la voie, notamment pour promouvoir une viticulture respectueuse de l’environnement. Un domaine dans lequel la Champagne a longtemps été en retard.

Les petits? Les vignerons, appelés récoltants-manipulants, qui cultivent le raisin, font la vendange, élaborent leur champagne et le commercialisent eux-mêmes. «L’émergence de ces artisans s’inscrit dans un retour à la notion de terroir, en réaction à la toute-puissance des marques, analyse Tzvetan Mihaylov, ambassadeur suisse du champagne 2011. Ce sont avant tout des viticulteurs qui sont revenus à la source: la production de beaux raisins.»

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Charlène Contesse, dresseuse de défis

La vigneronne, qui a vinifié son premier millésime en 2019 en rachetant du raisin à ses parents, a découvert le monde du vin un peu par hasard. Rencontre avec une jeune femme qui fourmille de projets.

Charlène Contesse fait partie des privilégiés qui apprennent très vite. En 2012, lorsqu’elle entame à 20 ans un stage de viticulture au Château d’Auvernier pour pouvoir accéder à la Haute Ecole de viticulture et œnologie de Changins, elle ne connaît rien ou presque au vin. «A la maison, on buvait un verre, mais sans plus. A l’époque, je ne savais même pas que le Sauvignon blanc était un cépage», s’amuse-t-elle aujourd’hui. 

Quatre ans plus tard, elle participe à Paris au concours de dégustation des jeunes professionnels du vin, qui réunit des candidats de 21 pays. Elle termine deuxième. «Une sacrée expérience», résume-t-elle avec humilité.   

Les pinots noirs neuchâtelois au sommet du vin suisse

Après le titre national de la Cave des Lauriers, le domaine des Landions a remporté une dégustation mêlant des vins de référence issus de tout le pays. Compte-rendu de dégustation.

Les connaisseurs le savent bien: le pinot noir trouve à Neuchâtel des conditions idéales pour son épanouissement. Il se sent particulièrement à l’aise sur les sols calcaires du Littoral, son climat tempéré par la proximité du lac, qui atténue les rigueurs de l’hiver et les canicules estivales. Jusqu’ici, le cépage bourguignon a profité du réchauffement climatique, avec des maturités plus régulières de millésime en millésime. Le profil des vins reste le plus souvent frais, avec une belle expression du fruit.

Le lien privilégié entre Neuchâtel et le pinot noir a été souligné cette année avec le titre national remporté le 6 octobre dernier par la Cave des Lauriers, à Cressier, lors du Grand Prix du vin suisse à Berne (GPVS). Il a été confirmé deux semaines plus tard par une dégustation à l’aveugle organisée par «ArcInfo» au restaurant la Halle des sens, à La Chaux-de-Fonds. En compétition: 16 vins issus de toutes les régions de Suisse (sept cantons représentés), dont 14 élevés en fûts de chêne et issus du très beau millésime 2020.

Um merlot neuchâtelois brille au Grand Prix du vin suisse

La Grillette a obtenu le 3e rang national avec son millésime 2020. Une sensation pour un cépage hors AOC qui recouvre à peine quatre hectares dans le canton. Nous avons rencontré Annie Rossi, l’œnologue et régisseuse du domaine. «On y croyait vraiment», avoue-t-elle.

«Parce qu’il y a du merlot à Neuchâtel?» La surprise d’un vigneron valaisan à l’annonce de la troisième place du merlot 2020 de La Grillette au palmarès du Grand Prix du vin suisse (GPVS), le 6 octobre dernier à Berne, incarnait bien la sensation créée par ce résultat.

Le cépage d’origine bordelaise ne fait en effet pas partie des cépages autorisés dans l’AOC Neuchâtel – il est du coup commercialisé comme vin de pays. Malgré cela, il prend peu à peu ses quartiers sur le littoral, un essor favorisé par le réchauffement climatique: en 2023, il recouvre 4,1 hectares, en augmentation de 60% par rapport à 2015.

La Grillette a joué le rôle de pionnier en plantant du merlot en 2002 sur la parcelle Les Clous, à Cressier. «Le vin primé est issu de cette même vigne de 9000 m2 d’un seul tenant orientée plein sud», souligne Annie Rossi, œnologue et régisseuse du domaine. 

J’ai dégusté pour vous tous les completer du monde (ou presque)

L’ampélologue-généticien José Vouillamoz a réuni 31 cuvées du rare cépage autochtone grison. Compte-rendu d’une dégustation extraordinaire, avec plusieurs très grands vins et quelques déceptions.  

C’était une dégustation extraordinaire, et pour une fois le terme n’est pas galvaudé. Le 7 octobre dernier, l’excellent José Vouillamoz a organisé à Sierre une dégustation de tous les vins produits à base du cépage grison completer. Tous sont produits en Suisse, pour la plupart dans le Heidiland, entre Coire et Sargans. A une exception, soulignée par l’ampélologue-généticien valaisan : Giorgio Anselmet, du Val d’Aoste, produit depuis peu un completer italien.

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Le vin orange, retour en grâce d’un ancêtre géorgien

Jean-Daniel Giauque a été l’un des premiers vignerons suisses à produire ce vin de macération né dans le Caucase il y a 6000 ans. Rencontre à La Neuveville.

La couleur représente un indice souvent décisif dans l’idée que l’on se fait d’un vin. Les rosés sont forcément légers, parfaits pour un apéritif estival; les blancs sont frais, fruités, idéalement capables de magnifier un poisson du lac; les rouges, enfin, structurés et tanniques, sont les parfaits compagnons des plats carnés.

Dans cette géographie liquide, une quatrième couleur est apparue ces vingt dernières années. Réapparue, pour être plus précis: les vins orange, ou vins de macération, connaissent un retour en grâce, alors qu’ils sont probablement aussi vieux que le vin lui-même. Nés dans le Caucase il y a plus de 6000 ans, ils continuent à être produits en Géorgie dans d’antiques jarres en terre cuite enterrées dans le sol, les kvevris.

La bondola, un patrimoine à sauvegarder

Historiquement hégémonique au nord du Tessin, le cépage a été peu à peu remplacé par le merlot. L’association Slow Food s’engage pour le protéger.

Avec un peu moins de 15 000 hectares répartis dans toute la Suisse, la vigne fait intimement partie du paysage national. Ces 50 dernières années, le vignoble a connu une révolution silencieuse: de nouvelles variétés de raisins ont remplacé des variétés locales, moins productives ou plus fragiles. C’est le cas de la bondola, cépage rouge originaire du nord du Tessin, menacé de disparition. «Dans les années 1950, elle recouvrait encore plus de 50% du vignoble du Sopraceneri», souligne Giorgio Rossi, vigneron à Sementina, qui en possède un demi-hectare, ce qui fait de lui le plus gros producteur du Tessin.

Le rosé, c’est le tube de l’été!

Le vin à la robe pastel ne cesse de gagner des parts de marché. Les crus suisses progressent aussi, tout en gardant leurs spécificités.

C’est une vague couleur saumon qui emporte tout sur son passage, bousculant les codes du marché viticole. Malgré un tassement pendant l’épidémie de Covid-19, le rosé progresse un peu partout. C’est le cas des Etats-Unis mais aussi en France, à la fois plus grand producteur et plus grand consommateur de rosé. 

Ce dernier représente désormais plus de 30% de la production nationale alors qu’il n’atteignait pas 10% il y a 20 ans. Porté par la Provence, ce développement spectaculaire touche aussi la très aristocratique Champagne, où les ventes de bulles à la couleur rosée ont doublé en dix ans.

On craque pour… un rosé qui casse les codes

Le millésime 2022 assume pleinement son statut. Il est suggéré de le boire «avec des glaçons et des feuilles de menthe fraîche».

A Neuchâtel, l’œil-de-perdrix est une institution. Le rosé emblématique représente la moitié de la production des 335 hectares de pinot noir récoltés dans le canton. Selon les chiffres de l’Office cantonal de la viticulture, ce ratio est stable depuis 10 ans. Le succès du rosé de Provence n’a pas eu d’impact sur les volumes produits, contrairement à la plupart des autres régions viticoles.