Ivo Monti, de la marine marchande au sommet des vins suisses

Le Tessinois est le dixième vigneron retenu par Gault-Millau comme « icône » du vin suisse. Portrait.

C’est devenu une tradition: chaque année Gault-Millau consacre une « icône » du vin suisse. Cette semaine, c’est Ivo Monti, de Cademario (TI), qui a obtenu cet honneur. Il est le dixième sur la liste après Daniel et Martha Gantenbein, Feliciano Gialdi, Marie-Thérèse Chappaz, Louis-Philippe Bovard, Jean-Pierre Pellegrin, Jacques Tatasciore, Axel & Jean-Francois Maye, Christian Zündel et Thomas Donatsch.

Ivo Monti a connu une trajectoire atypique. Ancien officier de la marine marchande, il a navigué sur les mers du globe pendant dix ans avant de rentrer au pays, encre tatouée sur l’avant-bras. Il a suivi sur le tard des cours de formation continue en viticulture et en œnologie à Beaune et à Bordeaux pour reprendre le domaine familial, nid d’aigle qui domine le Lac de Lugano. Située à 550 m d’altitude au cœur des «ronchi» de Cademario, des «talus» abrupts hérissés de plants de vignes, la Cantina Monti vaut le détour rien que pour sa situation exceptionnelle. Il est d’ailleurs conseillé de s’y rendre avec une voiture de taille raisonnable ou mieux, à vélo: les lacets qui mènent au domaine sont si serrés qu’il est parfois impossible de les emprunter sans manœuvrer.

Une fois arrivé à la cave, située sous la maison familiale, les émotions ne sont pas terminées. Dans le sillage d’Ivo Monti, les changements de niveaux s’enchaînent, avec une succession de lifts et d’escaliers en colimaçon. «Nous faisons toutes nos vinifications par gravité, détaille le maître des lieux. Nous n’utilisons pas de pompe. Toutes nos cuves sont munies de roues, ce qui nous permet de les déplacer facilement d’un étage à l’autre.»

Dans ce labyrinthe à la propreté impeccable, on trouve un nombre impressionnant de cuves en inox de différents volumes. Certaines n’excèdent pas 50 litres. «C’est en lien avec les micro vinifications que nous avons effectuées en collaboration avec la Station de recherche de Changins, détaille Yvo Monti. On a commencé quand nous avons planté du muller-thurgau, en 1972, avant que le cépage soit autorisé au Tessin. Par la suite, nous avons fait des essais avec le diolinoir, le carminoir et le gamaret. Nous n’avons gardé que les deux premiers en production.»

La plantation du muller-thurgau – une curiosité au Tessin – coïncide avec la création de la Cantina Monti par Sergio, le père d’Ivo. Cet autodidacte passionné, qui a longtemps présidé la Fédération des vignerons suisses, a relancé la culture de la vigne sur les ronchi de Cademario en parallèle de son travail de gestionnaire de fortune. «Il a eu un accident. Le médecin lui a conseillé de trouver une activité de plein air pour ses loisirs. C’est comme ça que tout a commencé», résume le fils, qui a pris la responsabilité du domaine en 2004.

Pour la vinification du Bianco di Cademaio, qui réunit les trois cépages blancs du domaine (sauvignon, chardonnay, pinot gris), Ivo Monti pratique des macérations pelliculaires à froid pendant 18 à 24 heures. Il ne pratique pas de fermentation malolactique pour privilégier la fraîcheur et l’expression du fruit. Pour les rouges, tout le processus de fermentation est thermo-régulé. Pour l’assemblage Rosso dei Ronchi, les différents cépages (merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc, diolinoir, carminoir) sont vinifiés séparément avant un élevage de 14 à 16 mois sous bois. Le sens du détail prévaut également pour les étiquettes au graphisme délié: elles sont réalisées par le frère d’Ivo, Delio, sculpteur et scénographe.