Au coeur de Genève, les merveilles de la Corne à vin

Jean-Pierre Pellegrin et son épouse ont réalisé un important projet immobilier à proximité de la gare Cornavin. Au sous-sol, le vigneron genevois dispose d’un écrin dans lequel il élève ses têtes de cuvée. Visite guidée et dégustation.

C’est un lieu magique, que l’on n’imagine guère situé au cœur de Genève. Et pourtant: le vigneron de Satigny Jean-Pierre Pellegrin et son épouse Patricia Cottier Pellegrin ont développé un projet immobilier hors normes à 500 mètres de la gare Cornavin. Situé dans une petite cour intérieure au 47 bis de la rue de Lausanne, le bâtiment abrite le dépôt et les bureaux de la société de Patricia, Cotfer SA. Il a été surélevé de sept étages pour accueillir des appartements. Durant le chantier, des caves voûtées en pierres naturelles ont été découvertes au sous-sol. Elles ont été réhabilitées après d’importants travaux d’excavation. Le résultat est impressionnant, magnifié par un éclairage savamment étudié.   

Jean-Pierre Pellegrin

Le lieu a été baptisé «Corne à Vin», en référence au lieu-dit Cornavin où, selon la légende, une auberge accueillait les voyageurs et les retardataires coincés à l’extérieur des fortifications de la Cité de Calvin après le couvre-feu. Deux salles majestueuses sont à disponible à la location pour des événements festifs ou des séminaires.  Juste à côté, derrière une porte de verre, une cave voûtée tout en longueur dans laquelle Jean-Pierre Pellegrin élève ses têtes de cuvée. «Il me manquait de l’espace dans la cave de Peissy pour stocker toutes mes barriques, précise-t-il. Cela me permet d’être moins à l’étroit.»

Un chai urbain au charme historique

Le vigneron-œnologue, qui a repris le domaine familial en 1989, possède 15 hectares de vignes. Il continue de livrer une partie de la vendange à la Cave de Genève, comme le faisait son père. Après avoir revu en profondeur l’encépagement, il est monté progressivement en gamme. Aujourd’hui, il propose plusieurs vins à moins de 20 francs, mais aussi des cuvées plus onéreuses qui détonnent dans le paysage viticole genevois. Focus sur quelque unes d’entre elles, dégustée lors de ma visite de la Corne à vin :

P 2016

Cette cuvée de pinot noir est une des références de la maison. Issu de vieilles-vignes au rendement limité, le raisin est vinifié en grappes entières et puis élevé sous bois durant 15 mois. Dans le millésime 2016, le nez est d’abord retenu. Après aération, il «pinote», avec un fruit précis et une note épicée. La bouche est gourmande, sur les cerises noires, tout en équilibre grâce à une acidité bien présente. Elevage haute couture très bien intégré. A garder quelques années en cave. 92/100

Grand Cour 2016

Cet assemblage rouge (70% cabernet franc, 20% cabernet sauvignon, 10% merlot) membre de la Mémoire des vins suisses est élevé deux ans en fûts neufs. Le millésime 2016 est abouti, précis, avec une belle maturité du fruit même s’il a encore besoin de temps pour s’épanouir. Le bouche est dynamique et séduit par ses tanins au grain fin et son élevage très bien maîtrisé. 90/100

Gamay sauvage 2016Cette cuvée de gamay vinifiée en grappes entière et élevée 11 mois en fût a été crée en 2015. Ce deuxième millésime, moins riche que le précédent, offre un joli nez sur des arômes de violette et de réglisse. La bouche est dense et juteuse, avec un fruit précis et beaucoup d’élégance.  91/100

Sauvignon blanc 2017 Ce sauvignon élevé en fûts de chêne propose un nez variétal mais pas trop, avec ses arômes de fleur de sureau, de fruits exotiques et une fine note épicée. La bouche est magnifique, avec du volume et de la fraîcheur, sur des arômes séducteurs de fruits exotiques (ananas, pamplemousse rose) qui rivalisent d’expressivité. Une grande réussite. (94/100)

Viognier 2017Ce viognier est lui aussi remarquable, avec un élevage sur mesure (une moitié en œuf en béton et l’autre en fût de chêne, fermentation malolactique partielle). Le nez commence par exhaler des arômes empyreumatiques qui soulignent son élevage sous bois. Après agitation, la pêche de vigne, l’abricot et les épices douces prennent le dessus. La bouche propose beaucoup de volume mais aucune lourdeur. Un vin d’esthète. (94/100)

Chardonnay 2016 Le vin le moins abouti de la série. Le nez est marqué par le bois, qui continue à dominer après aération. Le bouche est bien définie, avec un bel équilibre matière-acidité. Mais il n’a pas (encore ?) digéré un élevage ambitieux, comme le soulignent les arômes de safran et de caramel qui dominent la finale. Dommage. 87/100