Les champagnes de vignerons, au bonheur des bulles

Dans l’ombre des grandes maisons, les récoltants-manipulants proposent des cuvées qui sortent des sentiers battus. L’éclairage d’un expert, Tzvetan Mihaylov.

Les producteurs de champagne, c’est comme le bonheur: il y a les petits et les grands. Depuis un quart de siècle, les petits ont la cote, avec leur propension à sortir des sentiers battus (par les grands) et à montrer la voie, notamment pour promouvoir une viticulture respectueuse de l’environnement. Un domaine dans lequel la Champagne a longtemps été en retard.

Les petits? Les vignerons, appelés récoltants-manipulants, qui cultivent le raisin, font la vendange, élaborent leur champagne et le commercialisent eux-mêmes. «L’émergence de ces artisans s’inscrit dans un retour à la notion de terroir, en réaction à la toute-puissance des marques, analyse Tzvetan Mihaylov, ambassadeur suisse du champagne 2011. Ce sont avant tout des viticulteurs qui sont revenus à la source: la production de beaux raisins.»

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Les pinots noirs neuchâtelois au sommet du vin suisse

Après le titre national de la Cave des Lauriers, le domaine des Landions a remporté une dégustation mêlant des vins de référence issus de tout le pays. Compte-rendu de dégustation.

Les connaisseurs le savent bien: le pinot noir trouve à Neuchâtel des conditions idéales pour son épanouissement. Il se sent particulièrement à l’aise sur les sols calcaires du Littoral, son climat tempéré par la proximité du lac, qui atténue les rigueurs de l’hiver et les canicules estivales. Jusqu’ici, le cépage bourguignon a profité du réchauffement climatique, avec des maturités plus régulières de millésime en millésime. Le profil des vins reste le plus souvent frais, avec une belle expression du fruit.

Le lien privilégié entre Neuchâtel et le pinot noir a été souligné cette année avec le titre national remporté le 6 octobre dernier par la Cave des Lauriers, à Cressier, lors du Grand Prix du vin suisse à Berne (GPVS). Il a été confirmé deux semaines plus tard par une dégustation à l’aveugle organisée par «ArcInfo» au restaurant la Halle des sens, à La Chaux-de-Fonds. En compétition: 16 vins issus de toutes les régions de Suisse (sept cantons représentés), dont 14 élevés en fûts de chêne et issus du très beau millésime 2020.

La bondola, un patrimoine à sauvegarder

Historiquement hégémonique au nord du Tessin, le cépage a été peu à peu remplacé par le merlot. L’association Slow Food s’engage pour le protéger.

Avec un peu moins de 15 000 hectares répartis dans toute la Suisse, la vigne fait intimement partie du paysage national. Ces 50 dernières années, le vignoble a connu une révolution silencieuse: de nouvelles variétés de raisins ont remplacé des variétés locales, moins productives ou plus fragiles. C’est le cas de la bondola, cépage rouge originaire du nord du Tessin, menacé de disparition. «Dans les années 1950, elle recouvrait encore plus de 50% du vignoble du Sopraceneri», souligne Giorgio Rossi, vigneron à Sementina, qui en possède un demi-hectare, ce qui fait de lui le plus gros producteur du Tessin.

Le rosé, c’est le tube de l’été!

Le vin à la robe pastel ne cesse de gagner des parts de marché. Les crus suisses progressent aussi, tout en gardant leurs spécificités.

C’est une vague couleur saumon qui emporte tout sur son passage, bousculant les codes du marché viticole. Malgré un tassement pendant l’épidémie de Covid-19, le rosé progresse un peu partout. C’est le cas des Etats-Unis mais aussi en France, à la fois plus grand producteur et plus grand consommateur de rosé. 

Ce dernier représente désormais plus de 30% de la production nationale alors qu’il n’atteignait pas 10% il y a 20 ans. Porté par la Provence, ce développement spectaculaire touche aussi la très aristocratique Champagne, où les ventes de bulles à la couleur rosée ont doublé en dix ans.

Les champions suisses de dégustation à l’aveugle visent un 3e titre

Comment s’entraîne-t-on à reconnaitre des vins lors d’une dégustation à l’aveugle? Nous avons suivi les doubles champions suisses en titre lors d’une soirée d’entrainement.

La dégustation à l’aveugle par équipes, c’est comme le football, le scrabble ou la pêche au gros, il faut s’entraîner pour progresser. Doubles champions suisses en titre de la discipline et qualifiés pour les Mondiaux, où ils ont terminé 9es l’automne dernier, les Genevois Damien Mermoud, Pierre-Emmanuel Fehr, Dorian Pajic et Tristan Frésard l’ont bien compris, ils se retrouvent tous les lundis soir chez le premier, vigneron à Lully, pour une séance de travail. Au programme: la dégustation de douze bouteilles mystères, dûment chemisées. 

Le räuschling, un trésor alémanique

Le cépage blanc zurichois fait partie des variétés autochtones helvètes, mieux armées que les plants importés pour répondre aux défis du réchauffement climatique.

e sont des résistants qui ont failli disparaître, victimes d’une viticulture qui a longtemps eu pour seule obsession de faire du volume. Heureusement, les temps changent: les cépages autochtones, qu’ils soient suisses, italiens, grecs ou autrichiens, connaissent un nouveau souffle depuis un quart de siècle. C’est le cas des spécialités valaisannes comme l’amigne, l’arvine ou le cornalin, qui occupent aujourd’hui 600 hectares en Valais (soit 13% du vignoble), pour seulement 120 hectares en 1991.

C’est aussi le cas du completer grison, de la bondola tessinoise ou du räuschling, spécialité typiquement zurichoise. Issu du croisement du savagnin du Jura et du gouais blanc du nord est de la France, il est né dans le sud de l’Allemagne. Comme le détaille l’ampélographe José Vouillamoz dans son livre «Cépages suisses, histoire et origines», il a progressivement disparu des vignobles allemands et alsaciens pour survivre exclusivement en Suisse, malgré un arrachage à large échelle dès la fin du 19e siècle. Il recouvre aujourd’hui 26 hectares en Suisse alémanique, dont 20 dans le canton de Zurich.

De l’horlogerie au vin, l’ambition de Karl-Friedrich Scheufele de «vendre du rêve»

Le président de Chopard a acheté un domaine viticole en Dordogne. Il n’est pas le seul patron horloger à avoir fait le pas.

Vu de loin, le monde du vin et celui de l’horlogerie n’ont pas grand-chose en commun. A y regarder de plus près, les similitudes sont nombreuses, en particulier dans le haut de gamme. Qu’il s’agisse de production, de marketing ou de vente, les domaines viticoles et les manufactures suisses partagent le même champ lexical: ils mettent en avant l’artisanat, la tradition, l’innovation et la volonté de se rapprocher toujours plus de l’excellence. Avec l’ambition réitérée de «vendre du rêve» pour se démarquer de la concurrence.

«Buvez local»: l’appel à l’aide des vignerons suisses

Baisse de la consommation, forte concurrence étrangère, promotion insuffisante: le vignoble suisse est confronté à d’importants vents contraires. La Confédération appelée à la rescousse.

Imaginez un produit de moins en moins consommé, plus cher que la concurrence et qui manque de notoriété en raison d’une promotion insuffisante: dans un marché globalisé, il y a de quoi craindre pour son avenir. C’est le cas du vin suisse, confronté depuis deux décennies à une importante crise structurelle.

Elle a encore été aggravée en 2020 par la pandémie de Covid-19 et en 2021 par un millésime cataclysmique. Les conditions météo difficiles ont entraîné «la pire vendange depuis 1957», selon le rapport de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG): 61 millions de litres ont été récoltés, contre une moyenne de 95 ces dix dernières années.

Le vin «nature», défi ultime du vigneron

Les vins sans soufre ajoutés ont le vent en poupe. En Suisse, ils disposent enfin d’un cahier des charges dédié, initié par le Vaudois Frank Siffert.

Vins «nature», «naturels» ou encore «vivants»: depuis quelques années, ces adjectifs fleurissent sur la devanture des vinothèques et sur les cartes de restaurants branchés des centres urbains.  Ils constituent une tendance en vogue qui s’inscrit dans la volonté de plus en plus de vignerons de travailler sans produits de synthèse, à la vigne comme à la cave. Un mouvement qui répond à la demande croissante des consommateurs pour des vins produits dans le respect de l’environnement, «le plus naturellement possible». 

La notion de vin nature est au cœur de débats animés dans les carnotzets. Pour ses défenseurs, l’utilisation de raisins certifiés biologiques ou biodynamiques et l’interdiction de tout intrant chimique lors des vinifications, sulfites compris permet d’obtenir des vin plus «authentiques», «plus proches du raisin».

Pour les autres, soit la grande majorité des vignerons, la philosophie de l’interventionnisme minimal est un leurre. Ils soulignent que la qualité moyenne des vins s’est considérablement améliorée avec l’avènement de l’œnologie moderne et que le seul vin vraiment «naturel» – certifié sans intervention humaine – reste le vinaigre.   

Les vins suisses en quête de grandeur

A l’heure de la mondialisation, les meilleures cuvées «Swiss made» ne font pas rêver, quelles que soient leurs qualités. Rarement exportées, elles sont souvent bues dans leur canton d’origine et peinent à accéder à la notoriété internationale.

Pour faire du vin, c’est assez simple: du raisin fermenté puis pressé (pour le rouge) ou pressé puis fermenté (pour la blanc) avec un suivi serré pour éviter que le moût se transforme vinaigre. Après, il faut le vendre, et c’est un autre métier. Dans un marché globalisé, les domaines viticoles qui visent le haut de gamme sont confrontés à une même difficulté: savoir faire du «bon» vin, ce qui est de plus en plus fréquent, mais aussi le faire savoir.

Au sommet de la pyramide qualitative, la catégorie des «grands» vins regroupe des crus d’exception. Par leur qualité, bien sûr, mais aussi par leur singularité: le vin sort alors de sa condition de produit de consommation pour devenir un objet de désir, un produit de luxe. Cette mystérieuse alchimie lui permet d’atteindre une notoriété internationale avec, le plus souvent, une forte augmentation de son prix. Au point que certains crus sont devenus des cibles prisées des spéculateurs