André Hoffmann, militant pour une viticulture durable

Passionné par le vin, le descendant des fondateurs du groupe pharmaceutique Roche a racheté en 2017 des vignobles à Yvorne et en Bourgogne avec l’objectif de s’extraire des produits de synthèse. Rencontre au carnotzet.

Par la porte entrouverte, on entend des rires sonores et les éclats d’une discussion passionnée. Installés dans le carnotzet du Domaine de la Pierre Latine, à Yvorne, Philippe Gex et André Hoffmann refont le monde en partageant un verre de chasselas. Complices, les deux sexagénaires se connaissent depuis presque vingt ans. «Lorsque j’étais gouverneur de la Confrérie du Guillon, j’ai intronisé le père d’André, Luc Hoffmann, précise le premier. On est devenus amis.»

Ce lien, solidement ancré dans le terroir vaudois, a pris une nouvelle dimension en 2017 quand André Hoffmann a racheté les 15 hectares de la Pierre Latine. «On en parlait depuis plusieurs années, les choses se sont faites naturellement», précise le nouveau propriétaire, descendant des fondateurs du groupe pharmaceutique Hoffmann-La Roche. «Pour moi, c’est la meilleure solution possible, enchaîne Philippe Gex. Ma fille unique n’a pas d’intérêt pour le vin. Avec cette vente, j’assure la pérennité du domaine tout en restant aux commandes de l’exploitation.»

Le sang du Christ désacralisé

Pour célébrer l’Eucharistie, la plupart des églises choisissent du vin blanc légèrement doux acheté dans le commerce ou fourni par des vignerons locaux. Cette évolution marque une rupture avec la tradition d’un vin sacré  à l’étiquette dédiée  

Pas de messe ni de culte sans vin. Dès les premières célébrations de l’Eucharistie, le vin, « sang du Christ », était consacré et partagé entre les fidèles présents. Si la doctrine a évolué au cours des siècles, le rituel, lui, repose sur un socle immuable: le vin de la communion doit provenir de raisins fermentés sans ajout de sucre et sans aucun additif. Cette règle ne tolère aucune exception, comme l’a rappelé en juin 2017 la Congrégation romaine pour le culte divin et la discipline des sacrements dans une lettre circulaire adressée aux évêques. Publiée en français et dans sept autres langues, dont le latin, elle rappelait la « motivation théologique » de l’utilisation « de vin authentique ».

Du vin, du vrai, mais sans certification: l’Église fait confiance à ses ministres pour s’assurer de sa validité: il ne porte pas de label comme les produits casher (chez les juifs) ou halal (chez les musulmans). Tout vin de raisin pur convient pour cet usage. Les paroisses peuvent également librement choisir la couleur du vin: au fil du temps, le blanc a remplacé le rouge. Une option qui s’est imposée pour des raisons pratiques avant tout, selon Mgr Charles Morerod, évêque du diocèse de Genève, Lausanne et Fribourg: « On prend du blanc, et c’est souvent du vin doux parce qu’il se conserve mieux hors du frigo, une fois ouvert. » Autre argument souvent évoqué: le vin blanc a l’avantage de ne pas tâcher le linge  d’autel.

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Cristal Roederer, les secrets d’une cuvée iconique

Créé à la demande du tsar Alexandre II, le fameux champagne à la bouteille à fond plat a su s’adapter à son temps. Son maître de cave, Jean-Baptiste Lécaillon, en a fait la locomotive de la transition vers une viticulture biologique.

Avec son fond plat et son verre transparent, c’est une bouteille reconnaissable entre toutes. La relique d’un monde disparu qui a su se renouveler pour rebondir. Créée en 1876 à la demande expresse du tsar Alexandre II de Russie, la cuvée Cristal de la Maison Louis Roederer a failli disparaître après le bouleversement occasionné par la révolution d’octobre 1917. Elle est aujourd’hui une icône champenoise, à la pointe en matière de culture biologique dans une Champagne très en retard en la matière.

Au siège de Louis Roederer, à Reims, le lien avec la Russie est encore très présent. Installé sous un puits de lumière, un buste de marbre d’Alexandre II toise les visiteurs. Un hommage justifié pour un empereur qui offre à la marque une source intarissable d’anecdotes propices au storytelling. Ainsi, la fameuse bouteille en cristal – qui a donné son nom à la cuvée – aurait été conçue pour éviter qu’une bombe ne puisse prendre place dans le fond creux des flacons traditionnels.

Champagne, la vie en rose

La cote des bulles saumonées ne cesse de grimper, en particulier aux Etats-Unis, grâce à une nouvelle clientèle jeune et décomplexée. Une consécration pour une spécialité historique aux expressions très variées.

Le rosé a une cote d’enfer. Il représente aujourd’hui plus de 30% de la production de vin en France, contre à peine 10% il y a vingt ans. Cette croissance, dopée par le rosé de Provence, a atteint la très aristocratique Champagne. La part des champagnes rosés atteint 10% des exportations, contre à peine 3% il y a vingt ans. La croissance touche tous les pays, mais elle est particulièrement marquée outre-Atlantique. Aux Etats-Unis, deuxième pays importateur de champagne après le Royaume-Uni, le rosé représentait 17% de la consommation totale en 2018. Un succès qui s’explique par le développement d’une nouvelle clientèle, à la fois jeune, festive et argentée.

Le critique de vins, une subjectivité assumée

Bien choisir les vins pour les Fêtes est un art difficile, en particulier quand on n’y connaît rien. Le journaliste spécialisé joue le rôle de poisson-pilote, avec le plaisir comme principal moteur. Mon éclairage dans « Le Temps ».

Cela peut être un plaisir, mais c’est très souvent un casse-tête. Le choix des vins pour aborder la succession des apéritifs et repas de fin d’année fait l’objet de stratégies complexes: certains acheteurs cherchent des cuvées originales dans les rayons des commerces spécialisés, d’autres font leurs emplettes sur internet alors que la majorité fait son marché dans l’offre pléthorique de la grande distribution. Les critères de sélection sont divers et variés, avec des pondérations entre le niveau de prix, l’expérience personnelle, les médailles obtenues dans les concours, les préférences régionales ou encore la séduction d’une étiquette.

Dans ce marché extrêmement concurrentiel, le critique de vins joue le rôle de poisson-pilote. L’auteur de ces lignes – qui exerce cette fonction à temps partiel pour Le Temps depuis dix ans – goûte, évalue et recrache une centaine de vins par mois. Contrairement au critique de cinéma, qui écrit sur tous les films qu’il va voir, le journaliste du vin est extrêmement sélectif: il ne chronique que ses coups de cœur et encore, pas tous.

Au coeur de Genève, les merveilles de la Corne à vin

Jean-Pierre Pellegrin et son épouse ont réalisé un important projet immobilier à proximité de la gare Cornavin. Au sous-sol, le vigneron genevois dispose d’un écrin dans lequel il élève ses têtes de cuvée. Visite guidée et dégustation.

C’est un lieu magique, que l’on n’imagine guère situé au cœur de Genève. Et pourtant: le vigneron de Satigny Jean-Pierre Pellegrin et son épouse Patricia Cottier Pellegrin ont développé un projet immobilier hors normes à 500 mètres de la gare Cornavin. Situé dans une petite cour intérieure au 47 bis de la rue de Lausanne, le bâtiment abrite le dépôt et les bureaux de la société de Patricia, Cotfer SA. Il a été surélevé de sept étages pour accueillir des appartements. Durant le chantier, des caves voûtées en pierres naturelles ont été découvertes au sous-sol. Elles ont été réhabilitées après d’importants travaux d’excavation. Le résultat est impressionnant, magnifié par un éclairage savamment étudié.   

Jean-Pierre Pellegrin
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Le champagne, le vin de tous les miracles

Les crus produits au nord de la France doivent leur succès à la domestication de la bulle dès la fin du XVIIe siècle. Retour sur une épopée humaine et commerciale

Ses fines bulles sont devenues synonymes de fête et de célébration, omniprésentes quand il s’agit de marquer les grandes occasions. Le miracle du champagne ne s’arrête pas à sa notoriété universelle. C’est aussi celui d’une région qui a su dépasser ses handicaps pour les transformer en atouts. Produits à la limite septentrionale de la culture de la vigne, les vins tranquilles des origines, acides et tranchants, auraient eu beaucoup de mal à surnager dans le marché globalisé du XXIe siècle. C’est le même climat frais qui, paradoxalement, a permis la naissance de l’effervescence puis sa domestication. Une innovation qui ne doit rien à Dom Pérignon, légende nourrie par un art consommé du storytelling. On y reviendra.

Des bulles et de l’écume

Les blanc de blancs accompagnent parfaitement les plats de fruits de mer et les poissons. Ma sélection de six cuvées coup de cœur.

Le champagne est multiple, protéiforme, prêt à affronter tous les défis. Traditionnellement issu d’un assemblage entre le pinot noir et le pinot meunier, à peau noire, et le chardonnay, à peau blanche, il se décline aussi en monocépage. Lorsqu’il est tiré du seul chardonnay, où d’autres cépages blancs plus rares, on parle de blanc de blancs. Il s’agit alors d’un vin friand à la bulle fine et aérienne. Parfait à l’apéritif, il accompagne aussi très bien les coquillages, crustacés et autres plats de poisson. Sélection de six cuvées éclectiques produites par des vignerons indépendants et de grandes maisons.

«Le champagne peut accompagner tous les plats»

Ambassadeur suisse du champagne en 2011, Tzvetan Mihaylov est un érudit passionné qui connaît tous les secrets du célèbre effervescent.

Tzvetan Mihaylov est un converti tardif au champagne et fait donc partie des plus assidus. En 2009, en charge d’un cours sur le vin à la IHTTI School of Hotel Management de Neuchâtel, il commence à étudier la thématique de ce vin qui pétille. Et se rend compte que plus il creuse, plus il a à apprendre. Amoureux du produit et de la région, il se spécialise au point de devenir en 2011 ambassadeur suisse du champagne. Ce titre couronne le vainqueur d’un concours annuel qui exige de connaître tous les secrets du célèbre vin effervescent. Interview:

Georges Wenger, héraut jurassien

Le chef deux étoiles partira à la retraite le 15 décembre prochain après trente-sept ans d’une activité insatiable. Parti de rien, il s’est imposé comme une référence incontournable de la gastronomie helvétique.

Devant l’entrée de son restaurant baignée par le soleil d’automne, Georges Wenger accueille sa clientèle d’une solide poignée de main. Ce jour-là, ses phalanges présentent une belle couleur jaune curry. «Je viens de préparer une sauce avec du curcuma», précise-t-il, accueillant avec simplicité les premiers visiteurs qui arrivent pour le repas de midi. Parmi eux, des gens de la région, mais aussi des Alémaniques et des Genevois venus «profiter une dernière fois» de la cuisine du chef doublement étoilé avant son départ à la retraite, le 15 décembre prochain.

L’annonce de l’arrêt du cuisinier jurassien, fin août, a entraîné une déferlante de réservations. Le Noirmont est devenu, pour quelques mois, un lieu de pèlerinage pour tous les amoureux de gastronomie et de beaux produits. «On a de la peine à suivre, le téléphone sonne tout le temps», sourit le maître des lieux. Pourquoi se retirer maintenant, alors qu’il bénéficie d’une santé de fer et d’une silhouette de jeune homme? «J’ai eu 64 ans le 31 août, il faut bien s’arrêter un jour. Avec mon épouse Andrea, cela fait dix ans que nous préparons la transmission de l’entreprise. Ça ne s’improvise pas.»